« Il n’y a pas qu’un seul article de dangereux »
Si l’article 24, qui concerne le droit de filmer les forces de
l’ordre en action et de diffuser les images, a donné lieu à
des commentaires médiatisés, c’est bien parce qu’il portait
atteinte à la liberté de la presse d’une part, mais d’autre part, à
la possibilité pour les victimes de violence policière de confondre les auteurs.
Mais cet article n’est pas le seul danger pour les libertés publiques et individuelles !
Nous tenons à soulever quelques points généraux qui sont tout
aussi néfaste pour la vie démocratique.
Cette loi autorise le recours à des sociétés privées de sécurité
pour des actions qui jusque-là relevaient des compétences
d’officier de police judiciaire. C’est-à-dire des fonctionnaires
ayant le niveau de formation en droit requis et travaillant
sous le contrôle du procureur, d’un juge d’instruction ou d’un préfet.
Et il est question de permettre aux agents de sécurité privé
de procéder à des contrôles d’identité, à des fouilles aux
corps au-delà de la simple palpation, à dresser des procès verbaux
et à auditionner ceux qui le demandent donc à enregistrer des témoignages.
Plus grave encore, ces entreprises pourront sous-traiter à d’autres entreprises sous certaines conditions,
comme le manque de moyens techniques ou de personnel qualifié.
Cela ressemble fort à la sous-traitance en cascade qui, dans d’autres secteurs économiques, met le sous-traitant, et surtout
les salariés, sous la pression à la rentabilité du donneur d’ordre.
Et au passage disparaît des textes la référence au code du travail pour les quelques 170 000 salariés du secteur de la sécurité privée.
Mais au-delà des aspects socio-économiques de la privatisation
d’une partie des activités judiciaires de la police nationale, il est très raisonnable de s’interroger au minimum, quant aux dérives
autoritaires et antidémocratiques qui ne manqueront pas de se développer, sans parler des risques amplifiés de pratiques discriminatoires
ou portant atteinte à nos droits civiques fondamentaux.
Nous avons déjà pu constater que des vigiles se permettaient d’intervenir sur la voie publique lors de distribution de tract syndicaux
ou associatifs sous prétexte que la distribution publicitaire était interdite à proximité de telle foire (Les 4 jours par ex.)
Ou de telle zone commerciale, sans être capable de fournir le moindre texte réglementaire et encore moins une référence.
Sur le fond est-il acceptable de confier notre liberté, notre sécurité, nos droits à des intérêts privés ?
La loi prévoit aussi l’élargissement des compétences, des prérogatives des polices municipales.
Il est important de prendre en compte les réalités, les polices municipales sont sous l’autorité du Maire et force est de constater qu’un certains nombres d’entre eux piétinent sans vergogne les principes qui fondent le vivre ensemble, qui ne respectent pas l’égalité de
traitement des citoyens.
Peu nombreux est-il nécessaire que l’État leur fournissent des moyens supplémentaires ?
Mais au-delà des probables dérives d’élus qui peuvent se prendre pour des Satrapes, dans le contexte budgétaire actuel qui
met sous pression les budgets des collectivités, tout transfert de compétence de l’État vers les collectivités locales accentue
les inégalités entre territoires et entre les citoyens.
En effet en fonction de leur richesse fiscale, certains pourront déployer les moyens humains et financiers nécessaire au remplacement de
l’État, les autres resteront sans moyens.
Enfin cette loi permet le recours à des moyens de surveillance de masse inédit tel des drones, des systèmes de reconnaissance
faciale, le droit de consulter toute image sans autorisation du juge et pendant un délai rallongé.
Il y a peu lorsque certains pays utilisaient de tel moyen, tout le monde s’accordait pour souligner leur caractère antidémocratique.
Et là puisque c’est chez nous ce serait sans risque !
La réalité est tout autres, sans images les victimes des violences policières sont condamnées, comme ce livreur tué lors
d’un contrôle routier il y a deux ans, comme ce producteur de musique dont les locaux professionnels sont assiégés comme
fort Alamo qui ne doit d’être en vie qu’a la diffusion des images.
L’histoire sociale est, elle aussi, remplis d’exemples qui nous renforcent dans l’idée que le mouvement social, et le syndicalisme,
seront eux aussi impacté par cette dérive autoritaire. Il n’en a toujours été ainsi, on durcit les lois répressives pour
lutter contre le terrorisme, les casseurs ou d’autres écervelés, et les opposants sont frappés eux aussi.
Tient comme par hasard, le gouvernement par un discret décret vient d’autoriser le fichage pour opinion politique,
religieuse, philosophique, Même les pratiques sportives sont concernées, et ce fichage peut être étendu à tous ceux
qui croisent à une réunion ou au club de sport la personne surveillée.
Si nous ne sommes pas encore dans une société où tous nos faits et gestes sont surveillés,
on s’approcha dangereusement d’un monde où non seulement c’est possible mais où c’est légal !
Alex Legros